Olivier Adam, le 8 juillet 2014.

Une tempête ravage la Côte d’Azur le jour où Antoine, star de l’équipe de foot locale, échoue à l’hôpital, tabassé par des inconnus. Vingt-trois voix se succèdent dans un roman dense qui prend aux tripes. Après vous en avoir parlé fin août, 20 Minutes a rencontré l’auteur.

Après la Bretagne et la banlieue parisienne, que vous inspirait la Côte d’Azur?

Ça fait vingt ans que j’y séjourne régulièrement, toujours en hiver. Avec ce côté lendemain de fête où derrière le vernis de l’argent, des vacances, du glamour du Sud, on voit qui sont les gens qui font ces villes-là. Tous mes livres partent d’un lieu, dont surgissent des images. Là c’est à la fois ces roches rouges, les villas fermées, les paillotes démontées, et un aspect politique et économique un peu trouble qui ont orienté le livre aux confins du roman noir, avec ses petites magouilles, ses petits voyous. Même si c’est en fait aussi un livre sur la filiation, le temps qui passe, la question de la douleur, ce qu’on fait de la sienne et de celle des autres.

Votre prédilection pour le roman social et la noirceur peut décourager certains lecteurs…

On ne peut pas lutter contre son propre paysage mental… Là, pour le coup, c’est affiché comme un pseudo-roman noir, je place volontairement mes personnages dans des situations de crise majeure. Mais c’est très affirmé chez moi. Je pense qu’on saisit plus de choses de notre condition humaine profonde quand on se retrouve à poil, sans plus rien qui vous tient debout. Comme dit Richard Russo, «le bonheur est un sport très ennuyeux quand on est spectateur». J’ai un goût pour les perdants, c’est évident. Il y a tout un pan de la société française qui n’est que très peu représentée. Il n’y a qu’à voir cette rentrée littéraire, avec beaucoup de grandes figures. C’est sûr que Salinger et Oona O’Neill, c’est plus glam’ qu’un mec qui repeint des bungalows. Chaque écrivain fait ce qu’il a à faire mais c’est la mission que je me suis assignée.

Vous faites référence à «Friday Night Lights». Vous êtes un gros consommateur de séries?

Oui. «Friday Night Lights», c’est totalement addictif et passionnant. Là j’ai été ébloui par «True Detective», «Top of the Lake» est incroyable… Ce qui me frappe c’est la capacité des séries à saisir la multiplicité, à dire des destins communs, avec des personnages qui ne sont pas définis une fois pour toutes alors qu’au ciné, on a, au mieux, une bascule. Je lis partout que la série est le nouveau grand récit de l’époque, et c’est vrai. Mais plutôt que de se dire que c’est foutu, comme certains écrivains tel Bret Easton Ellis que je respecte beaucoup, je pense que le roman peut tout absorber.

La rentrée littéraire, c’est pour vous un moment stressant?

Oui. On lit et entend «ils sont 600 sur la ligne de départ, il y en aura dix à la fin, tous les autres vont mourir», il y a cette mise en compétition, une surexposition de certains, un silence assourdissant sur d’autres. On se demande à quelle sauce on va être mangé.

Vous lisez les critiques de vos livres?

Je lis tout. Mais c’est une torture. Même si c’est le droit le plus absolu des critiques, quand quelqu’un vous assassine à la radio ou à la télé, vous avez l’impression que quelqu’un vous a craché au visage en public. Il faut faire avec. Parce qu’il n’y a aucune distance entre notre travail et nous.

Et la pression des prix?

Alors là, les prix… Après avoir été longtemps dans le jeu… Déjà avec Les Lisières je n’étais sur aucune liste. Là je ne suis pas sur le Renaudot, et ça m’étonnerait que je sois dans le Goncourt [il n’est pas dans la liste dévoilée le lendemain de l’interview] ou le Femina.